À propos du Grand Architecte de l'Univers (GADLU)
Le convent de Lausanne proclame l'existence d'un Grand Architecte de l'Univers, mais en a-t-il tiré toutes les conséquences?
Il
n'est pas question ici de trancher sur le fait qu'il existe ou qu'il n'existe
pas. Il s'agit seulement d'être cohérent et de mettre un minimum de logique
dans nos pensées, pour redonner raison à Boileau.
Depuis 1875 plusieurs obédiences maçonniques et non des moindres se référent au texte adopté lors du convent de Lausanne reproduit ci-dessous:
Le Manifeste du Convent de Lausanne (1875)
"Depuis trop longtemps, et dans ces derniers temps surtout, la Maçonnerie a été l’objet des plus injurieuses attaques.
Au moment où le Convent, après examen attentif des anciennes constitutions du Rite écossais ancien et accepté, conservant avec un religieux respect les sages dispositions qui le protègent et le perpétuent, délivre la Maçonnerie de vaines entraves et veut la pénétrer de plus en plus du souffle de liberté qui anime notre époque ; au moment où sur des bases inébranlables, il sanctionne une intime alliance entre les Maçons du monde entier, le Convent ne peut se séparer sans répondre par une éclatante manifestation à de déplorables calomnies et à d’énergiques anathèmes.
Avant tout, aux hommes qui, pour se présenter à la Franc-Maçonnerie, veulent connaître ses principes, elle les proclame par la déclaration suivante, qui est son programme officiel et dont les expressions ont été arrêtées par le Convent.
Déclaration de Principes
La Franc-maçonnerie proclame, comme elle a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom de Grand Architecte de l’Univers.
Elle n’impose aucune limite à la recherche de la vérité, et c’est pour garantir à tous cette liberté qu’elle exige de tous la tolérance.
La Franc-maçonnerie est donc ouverte aux hommes de toute nationalité, de toute race, de toute croyance.
Elle interdit dans les ateliers toute discussion politique et religieuse ; elle accueille tout profane, quelles que soient ses opinions en politique et en religion, dont elle n’a pas à se préoccuper, pourvu qu’il soit libre et de bonnes mœurs.
La Franc-maçonnerie a pour but de lutter contre l’ignorance sous toutes ses formes ; c’est une école mutuelle dont le programme se résume ainsi : obéir aux lois de son pays, vivre selon l’honneur, pratiquer la justice, aimer son semblable, travailler sans relâche au bonheur de l’humanité et poursuivre son émancipation progressive et pacifique.
Voilà ce que la Franc-maçonnerie adopte et veut faire adopter à ceux qui ont le désir d’appartenir à la famille maçonnique.
Mais à côté de cette déclaration de principes, le Convent a besoin de proclamer les doctrines sur lesquelles la Maçonnerie s’appuie ; il veut que chacun les connaisse.
Pour relever l’homme a ses propres yeux, pour le rendre digne de sa mission sur la terre, la Maçonnerie pose le principe que le Créateur suprême a donné à l’homme, comme bien le plus précieux, la liberté ; la liberté, patrimoine de l’humanité toute entière, rayon d’en haut qu’aucun pouvoir n’a le droit d’éteindre ni d’amortir et qui est la source des sentiments d’honneur et de dignité.
Depuis la préparation au premier grade jusqu’à l’obtention du grade le plus élevé de la Maçonnerie écossaise, la première condition sans laquelle rien n’est accordé à l’aspirant, c’est une réputation d’honneur et de probité incontestée.
Aux hommes pour qui la religion est la consolation suprême, la Maçonnerie dit : Cultivez votre religion sans obstacle, suivez les inspirations de votre conscience ; la Franc-maçonnerie n’est pas une religion, elle n’a pas un culte ; aussi elle veut l’instruction laïque, sa doctrine est toute entière dans cette belle prescription : Aime ton prochain.
A ceux qui redoutent avec tant de raison les dissensions politiques, la Maçonnerie dit : Je proscris de mes réunions toute discussion, tout débat politique ; sois pour ta patrie un serviteur fidèle et dévoué, tu n’as aucun compte à nous rendre. L’amour de la patrie s’accorde d’ailleurs si bien avec la pratique de toutes les vertus !
On a accusé la Maçonnerie d’immoralité ! Notre morale, c’est la morale la plus pure, la plus sainte ; elle a pour base la première de toutes les vertus : l’humanité. Le vrai Maçon fait le bien, il étend sa sollicitude sur les malheureux, quels qu’ils soient, dans la mesure de sa propre situation. Il ne peut donc que repousser avec dégoût et mépris l’immoralité.
Tels sont les fondements sur lesquels repose la Franc-maçonnerie et qui assurent à tous les membres de cette grande famille l’union la plus intime, quelle que soit la distance qui sépare les divers pays qu’ils habitent ; c’est entre eux tous, l’amour fraternel. Et qui peut mieux attester cette vérité que la réunion même de notre convent ?
Inconnus les uns des autres, venant des pays les plus divers, à peine avions-nous échangé les premières paroles de bienvenue que déjà l’union la plus intime régnait entre nous ; les mains se serraient fraternellement, et c’est au sein de la plus touchante concorde que nos résolutions les plus importantes ont été prises d’un assentiment unanime.
Francs-Maçons de toutes les contrées, citoyens de tous les pays, voilà les préceptes, voilà les lois de la Franc-maçonnerie, voilà ses mystères. Contre elle les efforts de la calomnie demeurent impuissants, et ses injures resteront sans écho ; marchant pacifiquement de victoire en victoire, la Franc-maçonnerie étendra chaque jour son action morale et civilisatrice."
Et alors?
Le préambule dit que toutes les expressions ont été arrêtées par le convent. Mais ne s'est-il trouvé personne en son sein pour relever l'erreur de raisonnement présente dans les deux premières phrases de la Déclaration de Principes. Prises séparément elles sont acceptables, leur juxtaposition par contre pose problème car elles s'excluent mutuellement.
En effet:
- si proclamer l’existence du Grand Architecte de l'Univers (proposition N°1) est en soi tout à fait légitime pour quelqu'un qui y croit sincèrement,
- si n'imposer aucune limite à la recherche de la vérité (proposition N°2) est louable et hautement souhaitable dans une assemblée où l'on pratique la tolérance,
aligner la proposition N° 2 après avoir affiché la N°1 est faire preuve manifeste d'inconséquence.
Ou l'existence d'un principe créateur est imposée et on ne peut chercher la vérité qu'en intégrant cette existence qui est une limite à la recherche tant qu'elle n'est pas démontrée, ou on ne fixe aucune limite à la recherche et l'existence d'un principe créateur n'est qu'une hypothèse qui ne se proclame pas mais tout au plus s'envisage, à défaut de pouvoir être vérifiée.
Je m'explique: en proclamant l’existence du Grand Architecte, on interdit de fait (et cela qu'on le veuille ou non) toutes les investigations qu'on pourrait mener pour rechercher la vérité là où elle se situe et non là où on la cantonne. Ce n'est une question ni d'espace ni de temps, mais d'approche. Et pour contrer par avance l'argument classiquement mis en avant et qui veut que chacun puisse mettre dans GADLU ce qu'il veut, y compris rien, je rappelle que depuis Georg Cantor et sa Théorie des Ensembles, un ensemble vide reste un ensemble avec toutes ses propriétés.
Proposition:
L'alternative suivante se présente donc: ou éjecter le GADLU, ou limiter la recherche. Personnellement je suis pour laisser le GADLU sur son siège éjectable et réduire les prétentions relatives à la recherche de la vérité.
Alors, pour ne pas rendre suspects les travaux des Loges qui ont choisi de travailler à la gloire du fameux G. A. D. L. U., je propose qu'on ajoute un seul mot au texte de 1875, le mot "autre".
Les deux premières phrases deviennent alors:
La Franc-maçonnerie proclame, comme elle a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom de Grand Architecte de l’Univers.
Elle n’impose aucune AUTRE limite à la recherche de la vérité, et c’est pour garantir à tous cette liberté qu’elle exige de tous la tolérance.
Le problème a disparu, la cohérence est rétablie et les travaux peuvent se dérouler dorénavant dans la liberté, la ferveur et la joie.
Il n'y a plus qu'à ...
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont, d'un nuage épais, toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Sont, d'un nuage épais, toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Boileau, Art poétique, Chant I.
Pour découvrir la suite, voir :
Ce Knol fait aussi partie de la collection: Formes-et-symboles-utilisés-dans-les-arts-sacrés
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