La spiritualité, qu’ès-aquo ?
La spiritualité, qu’ès-aquo ?
Je vous dois des explications sur ce titre de planche, un peu ésotérique au mauvais sens du terme. En fait il traduit de façon basique ma perplexité, mon ignorance et ma mauvaise humeur d’avoir à plancher sur un sujet que je ne sens pas, donc que je ne maîtrise pas, et que par conséquent je ne vais pas traiter comme il faudrait.
Par contre je vais longuement vous faire part de mes interrogations, de mes hésitations, de mon vertige devant ce mot, dont je pense qu’il y a tout lieu de se méfier, car je subodore une entourloupe frisant l’arnaque intellectuelle.
Mais, trêve de pessimisme, je vais essayer de positiver, en faisant honnêtement mon travail d’apprenti, pour en fin de compte, progresser sur le sujet qui au premier abord m’a mis si mal à l’aise.
« La spiritualité », je ne sais pas ce que c’est, mais j’y reviendrai dans un instant.
Par contre « Qu’ès-aquo », c’est une expression provençale qui signifie en français : « qu’est-ce que c’est », et que le patois lorrain qui me tient à cœur, comme à notre Vénérable Maître j’espère, s’est appropriée avec la traduction précise suivante: « qu’est-ce qu’ils sont encore allés nous chercher là, comme si on n’en avait pas suffisamment avec tout ce qu’on a déjà ».
En lorrain l’expression traduit parfaitement mon désappointement, et ma mauvaise humeur, avec en plus une touche d’ironie, laissant entendre qu’il ne sert à rien de s’énerver et que cela passera comme le reste est passé.
Alors la spiritualité, allons-y puisqu’il faut y aller. Je l’ai dit, je ne sais pas bien ce que c’est, je vais donc faire beaucoup usage de mon Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, édition de 1977 en dix volumes. Je le mets souvent à contribution pour faire mes planches, aujourd’hui je voudrais le mettre à l’honneur pour celle-ci puisqu’il donne trois définitions.
1° - Religion et philosophie : Spiritualité = Caractère de ce qui est spirituel, indépendant de la matière, du corps.
2° - Religion : Spiritualité = Ensemble des croyances, des exercices qui concernent la vie de l’âme, le mysticisme religieux.
3° - Vie spirituelle : Spiritualité = Caractère de ce qui est spirituel ; aspiration aux valeurs morales.
Deux définitions sur les trois ont une connotation très religieuse qui s’explique à mon sens par la tradition elle-même religieuse qui nous les a servies, ce sont les deux premières. La troisième fait référence à des valeurs morales à atteindre.
Fort heureusement dans notre cercle, on ne doit pas s’attarder sur ce qui touche aux religions pour ne pas risquer une contamination. On passera donc rapidement sur les deux concernées.
Je livre néanmoins ici les quelques réflexions que les trois m’inspirent.
1°- Caractère de ce qui est spirituel, indépendant de la matière, du corps.
Le mot indépendant est très fort mais irréaliste à mes yeux, car si l’homme que je suis a bien un corps et un esprit, je n’arrive pas à concevoir mon esprit indépendant de mon corps. Comment dire que mon esprit est indépendant de mon corps alors que ce corps lui offre généreusement l’hospitalité. Mon esprit y est logé, chauffé, éclairé, nourri, habillé, blanchi, lavé et repassé, et tout cela gratuitement.
L’esprit doit avoir la reconnaissance du ventre. Il est dépendant de la matière dont il doit être une composante indissociable. A-t-on jamais vu un esprit planer au-dessus des eaux ailleurs que dans la bible ? Non. Et quand bien même, si c’était le cas, pour planer il s’appuierait sur quoi pensez-vous, sur l’air évidemment. Donc l’esprit doit prendre appui sur la matière pour exister. Alors je ne prends pas cette définition en compte.
2°- Ensemble des croyances, des exercices qui concernent la vie de l’âme, le mysticisme religieux.
L’esprit, on arrive à s’en faire une représentation assez précise car on travaille avec lui. On réfléchit, on se souvient, on imagine, on raisonne, bref notre esprit produit quelque chose qui est identifiable à défaut d’être palpable. On est sûr qu’il existe par les manifestations de son activité.
Pour l’âme, j’en suis beaucoup moins sûr. Ce concept a vu le jour vraisemblablement avec Platon qui aurait en quelque sorte tenté de « personnifier » le souffle de vie. Il doit être considéré comme un mythe et d’ailleurs la science, que je sache, en récuse totalement l’existence. Alors jusqu’à preuve du contraire faisons comme si l’âme n’existait pas et passons sur cette définition de la spiritualité trop religieuse pour être honnête. Je ne la prends pas en compte non plus. D’ailleurs les croyances ne doivent jamais faire partie de l’arsenal du chercheur de vérité. « On peut croire en dieu, tout le reste on devrait en être sûr », disait mon professeur de physique en classe de 4ème. Et moi qui ne crois même pas au GADLU, dont il faudra bien un jour régler le compte par souci de cohérence interne. Au passage je signale que sur Google-Knol, j’ai publié récemment une contribution à ce sujet. Je donne ici l’adresse internet pour les amateurs. C’est un scoop.
3°- Caractère de ce qui est spirituel ; aspiration aux valeurs morales.
Voila enfin une définition qui a priori trouve grâce à mes yeux et sur laquelle je vais m’attarder un peu plus pour vérifier si mon a priori se confirme ou pas.
Les mots importants dans cette définition: - Aspiration - et - Valeurs morales.
L’aspiration : je comprends « tendance à porter ses désirs vers quelque chose » (en l’occurrence les Valeurs morales). C’est manifestement du domaine des intentions et non des actions. C’est assez fréquent en maçonnerie et j’en prends pour mon grade car je suis un spécialiste du genre, toujours plein de bonnes intentions mais aussi de bonnes excuses en nombre équivalent.
Reconnaissons quand même que l’action est préférable à la bonne intention. Si celle-là ne débouche pas sur l’action, c’est pis que pas d’intention du tout. On devrait privilégier une définition qui s’appuie sur des actions.
Les valeurs morales : le problème là, il est coton. En effet en terminale, de mon temps, on m’a appris qu’en morale, « vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » (Pensées de Pascal). Les valeurs morales étant élastiques, il faudra avant de les accepter, les étudier une à une. La référence à la « Morale Universelle » ne me semble pas en soi être une garantie d’acceptabilité. Les peuples sont si divers et les coutumes si variées et évolutives que la Morale Universelle risque d’être un fourre-tout bien pratique pour les esprits paresseux. Par exemple : La sodomie était dans la Grèce antique une pratique tout à fait morale, une abomination dans la France catholique au siècle dernier, et on considère actuellement que la morale n’a pas à s’occuper des pratiques sexuelles des individus, autrement dit, la morale s’en fout. Dans l’espace et dans le temps la morale est élastique. Alors quid d’une morale universelle ? Elle aurait été définie où, par qui, en quelle année, quel mois, quel jour, dans quel but, pour servir quels intérêts….. ?
L’examen critique reste donc indispensable à chaque instant pour s’assurer que les actions suivent bien les intentions et pour vérifier que les valeurs morales en ligne de mire soient « humanistes ».
Si l’humanisme n’était pas une garantie plus sérieuse que la morale, je ne ferais que reporter le problème. Or à mon sens il l’est, j’ai planché précédemment sur le sujet, et montré que l’humanisme était un « gros mot acceptable » si l’on entendait par là :
« Théorie qui prend l’homme comme fin et comme valeur supérieure ».
Supérieure dans l’absolu s’entend, donc supérieure à tout, y compris au GADLU. L’humanisme ne mérite son nom que s’il est strictement athée et laïc.
La définition de la spiritualité, selon moi, pourrait être : « mode de vie et de pensée déterminant le développement d’un humanisme fondé sur l’homme considéré comme valeur absolument supérieure ». Le terme aspiration et la référence aux valeurs morales suspectes ont disparu. La preuve de cette spiritualité serait bien évidemment des actions réalisées et non des professions de foi.
En fin de compte, les trois définitions du Robert qui n’arrivent pas à se démarquer nettement du religieux me rassurent si peu au sujet de cette Spiritualité que je reste plus que réservé à son encontre.
En effet il est utopique, voire présomptueux, de penser que ma définition de la spiritualité s’imposera. Les trois qui figurent en bonne place dans le Robert continueront donc de faire la loi. Et le religieux de piloter en douce les esprits, « à l’insu de leur plein gré » pourrais-je dire, si je ne craignais pas le barbarisme qui nous a toujours valu un zéro pointé en grammaire latine. C'était du temps où l’apprentissage de cette langue dite « morte » dans mon lycée Erckmann-Chatrian de Phalsbourg, (le public pas le privé qui portait le nom ridicule de Saint Antoine), fabriquait des esprits critiques à profusion. Merci à mes professeurs, Messieurs Baerenbach et Bérath qui ont su me faire aimer cette discipline précise comme les mathématiques. Je leur dois en grande partie ma liberté de pensée. « Sapere aude », (Ose savoir), telle est la devise des Lumières. Soyons-en dignes.
(En a parte, une explication à cette quasi-haine pour Saint Antoine. Le lycée éponyme situé également à Phalsbourg était privé, catholique, et n’accueillait que des garçons alors que mon lycée public était mixte. Le jeudi après-midi, jour de sortie, ces « enfoirés » venaient draguer nos copines et la tension était à son comble. Cela mettait tout le monde mal à l’aise quand ça ne dégénérait pas en combats de rue.)
Pour résumer mon point de vue disons que je me sens assez proche de Montesquieu qui s’étonnait ainsi :
C'est une chose extraordinaire que toute la philosophie consiste dans ces trois mots: "Je m'en fous." (Mes Pensées)
Je souligne au passage que le fameux Montesquieu, qui assurément savait lire et écrire, ne savait peut-être pas compter, car grammaticalement, « je m’en fous » c’est quatre mots pour un typographe, mais trois seulement pour un linguiste. Alors ne pinaillons pas, c’est une simple remarque de mon esprit critique. Pour contenter tout le monde, nous admettrons que Montesquieu était plus linguiste que typographe.
Alors ce soir, plus ami de la sagesse que jamais, je ne m’en fous pas tout à fait, je reste sur mes gardes en présence de ce « truc » qui me parait être de même nature qu’une religion qui aurait honte de dire son nom, d’autant plus qu’en maçonnerie on précise souvent spiritualité laïque. Dans cette expression qui insiste sur ce qui pourrait faire problème, pour mieux noyer le poisson ou dissimuler le poison, réside l’entourloupe que j’appréhendais d’entrée.
Je pense avoir évité le piège en considérant que l’HOMME, comme l’ANIMAL, comme le VÉGÉTAL et le MINÉRAL, est une des formes sous lesquelles nous apparaît le COSMOS. L’HOMME n’est ni bon ni mauvais, ni bien ni mal, il est beau, ….. les FEMMES surtout.
In fine, pour être pleinement maçonnique, et pas un vulgaire attrape-couillon du genre « Spiritisme, Esprit es-tu là ? »........
La SPIRITUALITÉ doit être d’ordre ESTHÉTIQUE.
La SPIRITUALITÉ doit être d’ordre ESTHÉTIQUE.
Nota pour mémoire : Pour mon Grand Robert, Esthétique « Science du sentiment » et plus spécialement pour ce qui nous occupe « science du beau dans la nature et dans l’art royal ».
Pour Wikipédia qui a l’habitude de tartiner « L'esthétique est plus généralement la science du sensible, de ce qui est donné aux sens dans l'intuition ou dans la vision, c'est-à-dire dans l'espace et dans le temps, par opposition à ce qui relève de l'intelligible, de l'entendement ou de la raison pure ».
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La logique aurait voulu que tout au long de cette planche je sois « spirituel » dans l’acception didactique du terme - de l’esprit par opposition à matériel. C’eut été la moindre des choses.
Å l’arrivée, force est de constater qu’il n’en a rien été, j’ai tout au plus été « spirituel » au sens d’éclairé, c’est à dire - amusant par opposition à chiant.
Mais peut-être ai-je traité ce lourd sujet trop à la légère. Veuillez m’en excuser.
J’ai dit avec grand plaisir le 28.02.11
Anonyme
François PEPOS
Voici ma réponse à ta question tout à fait légitime de la part du Lorrain que tu es:
"Le ouareï, y sait ça d'tojo." @+. Maurice